Lenin Kino s’inscrit dans la quête formelle, graphique et poétique de la nouvelle bande dessinée telle qu’elle s’envisage au Frémok.
Le livre puise son titre et sa source dans un ouvrage consacré aux rapports entre Malevitch et le cinématographe. On pourrait dire, de ce point de vue, que Lenin Kino est une tentative d’intégration de l’abstraction dans la narration. Dans le livre, tous les ingrédients d’un récit classique sont présents : un mort, des lieux sombres, des extérieurs et des intérieurs mystérieux, un assassin goguenard (Lénine), un enquêteur (le téléspectateur) hypnotisé par ce qu’il regarde, etc. Ce qui est nouveau, c’est l’usage de ces motifs. Ils ne sont plus organisés dans une narration qui respecte des schémas classiques visant à constituer une histoire, mais ils émergent au fil des pages comme si la matière graphique les fabriquait au fur et à mesure. Lenin Kino est un objet nouveau qui contrarie les lectures classiques, mais qui propose aussi une nouvelle expérience de lecture. Une expérience, à laquelle l’auteur a donné le sous-titre de « méditation graphique », qui a l’ambition d’étendre le domaine poétique et créatif de la bande dessinée.
On dit souvent que la bande dessinée est une lecture de loisir, il est d’autres usages de lecture possibles, pensables et praticables. En créant ce livre, Olivier Deprez a médité sur, avec, et contre l’image (et la bande dessinée).